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Mercredi, Juillet 24, 2013 - 14:00

 

Traversée de l’océan Indien sur un Leopard 44

Kirsten N. a passé 56 jours en mer pour convoyer un Leopard 44 jusqu'en Australie. Elle venait de remplir son contrat: livrer à son propriétaire australien un Leopard 44 construit en Afrique du Sud par le chantier Robertson & Caine. Il faut se rendre compte: 56 jours de navigation, cela signifie que Kirsten et son équipage ont consacré environ 15% de l'année 2013 à ce convoyage.

Kirsten nous fait vivre son expérience de vie à bord en répondant à ces quelques questions.

 

Q: De combien de personnes l'équipage était-il composé?

R: 3 personnes à bord au total - 2 équipiers et moi-même

 

Q: Combien de quarts preniez-vous chaque jour ?

R: 4 heures de jour (donc 3 quarts entre 8h du matin et 8h du soir - 1 par personne) et 3 heures de nuit (donc la personne qui prend le quart de 20h à 23h l'est de nouveau de 5h à 8h du matin, de façon à étaler les quarts).

 

Q: Comment occupez-vous le temps pendant quasiment deux mois en mer ?

R: La propreté du bateau: garder le bateau propre, sans dépôt de sel et la maintenance générale (moteur etc.) prend quelques heures par jour. Ensuite, il y a les tâches quotidiennes que nous réalisons à tour de rôle: cuisiner, faire la vaisselle et bien sûr les quarts, la navigation en général prend du temps avec le réglage des voiles, l'étude des conditions météorologiques, etc. Le reste du temps nous lisons des tas de bouquins, jouons aux cartes, parlons de tout et de rien, piquons une tête autour du bateau lorsque la mer est calme, dormons et nous reposons assez pour rester en pleine forme.

 

Q: Quel était le régime alimentaire à bord ?

R: Des féculents: du riz, des pâtes, de la semoule, des pommes de terre et quelques légumes qui se conservent longtemps comme les carottes, les potirons, les oignons, l'ail, le gingembre, les poireaux, le chou, les piments, les lentilles, les noix, les fruits secs - Quelques aliments qui se conservent bien au frigo pour les premières semaines: tomates, poivrons vert, fromages, yaourts. Ensuite, ce sont les boîtes de conserve: légumes, tomates concassées, haricots. Avec tout cela nous avons pu cuisiner des ragoûts, des plats au curry etc. Pour le petit-déjeuner: thé, café, céréales, lait et autres pains grillés, beurre de cacahuète, tartines, biscuits, fromage en portion, cornichons, jus de fruit etc. En plus de cela, la pêche nous a permis de déguster régulièrement du poisson frais. Au menu : bonites et germons (aussi appelé thon blanc).

 

Q: Qu’avez-vous ressenti à la barre de ce bateau?

R: Le bateau a très bien réagi en mer. A chaque dépression qui approchait, nous avions un vent de nord-ouest puissant : nous suivions alors sa direction au portant ce qui nous dirigeait de plus en plus au sud jusqu'à ce que le vent tourne au sud-ouest, pour nous diriger de nouveau vers le nord sur l'autre bord. Cette allure nous a permis de naviguer uniquement avec le génois, ce qui rend les manœuvres plus sûres et la réduction de la voilure plus facile, sans que notre vitesse en pâtisse. Le pilote automatique du bateau fonctionne vraiment bien et la barre est bien équilibrée. Même lorsque le bateau prenait des grandes vagues de travers, le bateau restait tout à fait stable.

 

Q: Avez-vous eu besoin de faire des réparations sur le trajet?

R: Nous n’avons pas eu de réparation à faire. Je suis montée une fois au mât par temps calme pour vérifier le gréement – l’étai et les haubans – et tout était normal. On a juste un peu repris les haubans. Dans les vents violents, quand le génois était partiellement roulé, nous utilisions la contre-écoute pour faire un barber hauler pris sur le taquet d’amarrage du passavant. D’autre part, même lorsque la grand-voile était affalée, nous gardions la balancine qui était amurée en bout de bôme étarquée afin qu’elle joue le rôle d’un pataras.

 

Q: Quels ont été les vents les plus forts et la hauteur de vague maximum que vous ayez eus ?

R: Nous avons eu des rafales jusqu’à 70 nœuds de vent réel, avec un vent établi dans les 50-60 nœuds de secteur nord-ouest à sud-ouest. Nous veillions à garder le vent de ¾ arrière afin de réduire le vent apparent. Généralement, les dépressions ne duraient pas plus de 24h ce qui explique que les vagues ne dépassaient pas 5-7 mètres. Nous naviguions principalement avec une longue houle plutôt confortable : les conditions idéales pour de jolis surfs qui pouvaient atteindre les 18 nœuds. Après le passage de la dépression, la mer se calmait petit à petit et nous reprenions une allure plus paisible.

 

Q: Quelle temperature faisait-il?

R: Entre 12 et 17°C, l’air était humide et il pleuvait très souvent.

 

Q: Avez-vous utilisé beaucoup de carburant ?

R: Nous avons utilisé entre 600 et 700 litres au total.

 

Q: Qu’avez-vous vu de spécial ? Y’a-t-il eu des rencontres avec d’autres bateaux, poissons, oiseaux etc. ?

R: Un nombre infini d’albatros, fous de Bassan et autres oiseaux de mer. En ce qui concerne les poissons, nous les avons surtout rencontrés au fond de notre assiette ! Plus sérieusement nous avons eu la chance de voir des dauphins au large des côtes sud-africaines et australiennes, nous avons aperçu des phoques entre l’Afrique du Sud et l’île Saint-Paul ainsi que des baleines à Oberon Bay (sud de l’Australie) et au large de Jervis Bay (sud-ouest de l’Australie). On a croisé quelques bateaux de pêche entre l’île Saint-Paul et l’Australie mais la plupart du temps nous étions seuls : nous avons vu vraiment très peu de cargos et avons passé des semaines entières sans voir qui que ce soit.

 

Q: Quelque chose d’autre à propos de la traversée que souhaitez partager ?

R: 

En résumé, nous avons eu un temps plutôt froid et pluvieux. Nous avons pu quand même nous baigner dans une eau entre 14 et 16 degrés les jours de grand calme pour une « douche salée » derrière le catamaran. Ensuite, il y avait quelques monts sous-marins le long de la traversée – même en passant à 40 milles d’eux, on pouvait ressentir un changement dans le comportement du bateau, c’était assez incroyable. Notre équipage a eu aussi un bel aperçu sur le cratère volcanique de Saint-Paul – un spectacle rare, magnifique. Nous nous sentions privilégiés à bord de ce Leopard 44 qui nous a conduit en toute sécurité jusqu’à notre objectif. Concernant la météo, nous aurions pu avoir vraiment pire au beau milieu de l’océan Indien mais je me suis toujours sentie en confiance sur ce Leopard 44.

Vous trouverez plein de photos de l'album de Kirsten sur la page Facebook de Leopard Catamarans.

 

Kirsten N. est née en Afrique du Sud et réalise au moins deux convoyages par an sur des longues traversées et de nombreux autres voyages côtiers.