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Mercredi, Avril 8, 2015 - 14:00

Leopard 48 Cape Town to Santos

Arnaud, Responsable des Ventes Europe chez Leopard Catamarans, vient de réaliser son rêve: traverser l'Atlantique.

Il a quitté pour quelques semaines son bureau basé à Nice afin de mettre à l'épreuve le Leopard 48 (ici en version charter 4 cabines: le Moorings 4800). Son périple commence à Cape Town en Afrique du Sud pour une longue route jusqu'au port de Santos au Brésil.

Arnaud navigue depuis qu'il a 5 ans. Il a consacré une bonne partie de son enfance à naviguer sur des dériveurs et à faire de la planche à voile. Adulte, il se tourne vers la régate à bord des célèbres J80: 3 championnats nationaux, 1 championnat européen et un mondial, son plus haut niveau de compétition.

Il part avec de très solides bases en navigation côtière (semaines de navigation régulière en Bretagne avec sa famille et ses amis, livraison de bateaux de 60 à 70 pieds dans le Moyen-Orient sur des trajets comme Jordanie-Egypte ou Abu Dhabi-Doha) mais cela n'a jamais dépassé trois jours en mer non-stop ! Là, ce sera différent...

Les chiffres clés de cette traversée à bord du Leopard 48

  • Nombre de jours en mer: 24
  • Distance: 3650 milles
  • Nombre de jour au moteur / sous voiles / moteur et voiles: 4.2 / 16.5 / 3.3
  • Carburant consommé: environ  650 litres
  • Réserves d'eau au début du trajet: 800 litres dans les réservoirs, 120 litres en bidons, 80 litres en bouteilles.
  • Nombre de douches prises par personne: 3 !!

Quelques leçons de cette traversée:

  • On ne s’ennuie pas au large (ceux qui s’ennuient au large s’ennuient aussi à terre!)
  • Même sous ces latitudes il faut prendre de quoi bien se couvrir (on ne ferait pas une croisière en Bretagne l’été sans bonnet et tenue complète, c’est pareil)
  • Prendre beaucoup de livres, des livres nécessitant plus d’attention que des lectures habituelles de vacances (on est très disponible en mer)
  • Si vous devez jouer avec votre sextant, n’hésitez pas à prendre un bon cours pour réviser ou apprendre (j’ai été contraint de me limiter à travailler mes relevés faute de bons souvenirs et de cours clairs)
  • Il faut le faire et y retourner!!!!!

Une conclusion?

"Le Leopard 48 est exceptionnel, c'est lorsque nous étions au près sérré que le bateau m'a le plus impressionné, en gardant de la vitesse même dans des conditions de mer difficiles. Ce fût une expérience incroyable et le fait de pouvoir convoyer un catamaran de notre société a vraiment renforcé mon sentiment d'appartenance à l'entreprise".

Voici son récit en détail:

Convoyage du Moorings A8082

12 décembre 2014: Départ de Nice

Beaucoup d’excitation, plein de questions auxquelles réfléchir en attendant mon premier avion pour Heathrow qui est en retard, et pendant l’attente du second....en retard aussi.

Nombre maximum de nuits en mer ?
2 ou 3, là on part pour une vingtaine !

Maximum de jours en croisière?
Une quinzaine, là on part pour 3 semaines!

Comment les quarts seront-ils organisés?

13 décembre 2014: Arrivée au Cap

Arrivée au cap après 11h de vol.

Grand soleil, les bateaux qui régatent dehors. Super accueil de Mike (le skipper). On rigole des 17 jours annoncés. Petit apéro dînatoire avec Edouard et Hélène au V&A Waterfront.

14 décembre 2014: préparation du bateau

On démarre tôt mais à la cool vers 8 heures. Ménage, installation, je prends mes marques sur le bateau. Je dois aller faire quelque courses: un drap , mon coussin, les petits extras de sucreries qui ne font pas partie de la cambuse. Le bateau n’est pas en mode croisière, mais convoyage. Tout ce qui peut être fragile est protégé : coussin, gazinière (grille custom et papier alu de protection), toutes les vis et petites pièces d’inox sont passées à la vaseline. Le triangle avant est fortement protégé pour éviter le ragage du génois. Toutes les tables et plans de travail sont protégés, ainsi que les chants des meubles.

Enfin, le bateau ne disposant pas d’AIS , Mike installe  le sien. Splitter ou seconde antenne ? Là est la question. Il optera finalement pour une seconde antenne. Et comme pour tout convoyage on attend du matériel avant de pouvoir enfin partir: ce qu’il nous manque c’est le radeau et le fioul. Il y a semble-t-il des gros problèmes de fioul en Afrique du Sud: les centrales nucléaires ne sont pas assez puissantes, tombent en panne et ils font appel à des générateurs diesels, réquisitionnant tout le diesel! Donc plus rien à la pompe !!!

15 décembre 2014: préparation du bateau (II)

Aujourd’hui encore attendu....la patience est mise à rude épreuve, Le radeau finit par arriver, les papiers de sortie sont prêts. J’en profite pour aller visiter le nouveau 40 et le chantier, 1100 ouvriers à ce jour!

Il ne nous reste plus qu’à faire le fioul et le passage en douane demain matin et on devrait pouvoir partir. Même si je suis frustré de ne pas encore être parti, je ne suis pas mécontent non plus: il y a 30/35 nœuds dehors et pour une mise en route cela aurait certainement été difficile pour mon estomac... Demain on attend une vingtaine de nœuds donc plus acceptable. Une autre bonne nouvelle: on vient de récupérer un autre spi de convoyage, semble-t-il plus grand.

16 décembre 2014: le jour J

C’est le départ.

Dernière douche, dernière lessive, on remplit tous les réservoirs et bidons d’eau. On va au custom, immigration et enfin au fioul si le pont s’ouvre. Il faut se dépêcher : on a démarré la journée à sept heures mais il est 10h40 et la porte ouvre à 10h45 ou 11h15. Le fioul ferme à 11h30...

Midi : on est parti, 20 bons nœuds de vent apparent, GV / 2 ris / génois partiellement enroulé. Tout le monde a un grand sourire, ça avionne. On attaque les quarts, on tourne à 3 et Hélène tournera avec chacun de nous étant la moins expérimentée elle ne prendra pas de quart seule au départ. Tout le monde est content et en forme, mais nous convenons de faire confiance au GPS et de ne pas jouer avec le sextant pour quelques jours. De même ce midi et ce soir, c’est snack: personne aux fourneaux.

Je finis mon quart à 14 heures après avoir été salué par les dauphins, pour aller dormir et reprendre à 21 heures. Le vent est monté, on est maintenant à 25 apparent à 110 du vent et on marche à 7/8 nœuds. Je croise un cargo, on se retrouve à 3 en fin de ce quart (minuit donc) pour affaler la GV.

On a 30 noeuds établis d’apparent (35 dans les claques) et je me suis payé des surfs a 13 et 14,8 noeuds !

Info du jour: les quarts

Trois quarts de 4 heures de jour:
6h-10h
10h-14h
14h-18h

Quatre quarts de 3 heures de nuit:
18h-21h
21h-24h
24h-3h
3h-6h

19 décembre 2014: folie, pêche et sextant

3h-6h: Il ne m’aura fallu que trois nuit pour commencer à parler au bateau (nommé Bessie par Edouard). Tout ça pour essayer de faire remonter le vent qui ne cesse de tomber… Fin de quart au moteur, je ne suis pas prêt de lui reparler gentiment!

10h: Je me lève à nouveau pour découvrir le premier thon,:30 kg !!!! (à la pesée électronique, pas à vue d’œil exagéré!). Le record vraisemblable du capitaine. Impressionnant. Ce soir ce  sera gavage au sushi bar grâce aux talents d’Edouard (chef cuisinier à terre). On congèle le reste en steak. Les lignes sont remontées, que faire d’un autre thon?

Aujourd’hui je travaille au sextant. J’ai voulu griller les étapes et on se retrouve 300 milles au large de l’Angola ! Je reprends donc les cours en commençant par la méridienne, résultat demain midi.

20 décembre 2014: du bonheur au bien-être

Prise de quart à 6 heures. On marche bien, entre 7 et 8 nœuds. Le vent est revenu au sud avec un peu d’est. En fin de quart on affale tout et balance le spi asy de convoyage: confort assuré, plus de voile qui claque à chaque vague.

J’y ai pensé tout mon quart: pas possible que le thon fasse 30 kg......c’est 30 livres, la balance était mal réglée!

Le vent tombe dans la journée et c’est moteur jusqu’en fin de nuit. Ce qui est surprenant et que j’ai noté depuis le départ c’est que rien ne peut altérer l’humeur de l’équipage. Est-ce un phénomène général en mer au large? Une situation qui pourrait changer (cela ne fait que 4 jours que l’on est parti)? On passe nos journées à rigoler quand on discute. Est-ce l’éloignement des problèmes quotidiens de la terre (facture, problèmes au travail, la misère à la télé, dans les journaux.....)? Ici rien de tout cela!

24 décembre 2014: vivre au rythme du bateau

Même au moteur c’est un vrai bonheur d’être en mer, c’est une vie très simple: bien manger, bien dormir, lire, encore lire (je devrais finir aujourd’hui mon cinquième et dernier livre) et s’occuper du bateau. Et enfin rêver.

Par rapport au départ, le rythme du bord s’est considérablement  ralenti. Moins d’excitation, tout se fait plus lentement, on prend le temps de vivre au rythme des quarts, on ne se presse plus comme à terre, on n’a pas d’urgence, de rendez-vous important ou besoin de regarder sa montre pour aller faire les courses. Après les vidanges et le plein moteur, on s’arrête pour une baignade. L’eau est au moins à 20°, c’est le top pour un 24 décembre au beau milieu de l’Atlantique.

Cet après-midi j’ai fait atelier soudure, je n’avais pas de chargeur usb pour le tel sat, donc j’ai utilisé la prise de mon chargeur 220 et une prise usb , je n’avais pas fait de soudure électrique depuis le cours de 3ème en EMT... Résultat efficace mais pas très joli.

25 décembre 2014: Noël en transat'

Pour Noël je vais essayer  d’appeler la famille , hier pour une raison inconnue les mails et textos passaient mais pas les appels.....les joies de la technologie.

Pendant mon quart je vois une chasse de dauphins. C’est assez impressionnant, cela saute, fonce dans tous les sens...mais sans se cogner. La ligne a été remise à l’eau, 2 heures après, ils ont une dorade au bout! On garde les filets pour demain car au menu pour Noël, c’est viande. Roast Beef , sauce grayvy, pudding, patate...on aura encore de la viande demain. On échange nos petit cadeaux, et jouons en fin de repas avec nos jouets Kinder, retour en enfance.

Info du jour : Noël sans vin ni champagne! Pas une goutte d’alcool n’est autorisée à bord pour la traversée, par mesure de sécurité.

Du 26 décembre au 2 janvier: au fil de l'eau

On parle beaucoup de pollution des océans, je ne sais pas si c’est beaucoup mais en une dizaine de jours j’ai vu: une bouteille de verre, 2 sacs plastiques (type grands sacs à engrais) et une défense cylindrique. Pour moi c’est beaucoup compte tenu de la taille de l’océan et de la faible zone analysée (quelques minutes par quart de jour).

Nous continuons notre route, j’ai terminé mes livres. Je m’attaque à la bibliothèque du bord et commence mon premier livre en anglais de la traversée.

3 janvier 2015: à nous le Brésil !

Réveil à 00:00 au top ! Le vent est là et parfaitement orienté (enfin au près bon plein, le portant sera pour une prochaine transat). 20/22 nœuds apparent, 7,5/9 nœuds vitesse bateau, ça fonce!

Quart de 14/18: le dernier fichier météo vient de tomber....encore une fois l’autoroute du Brésil est bouchée. Enfin c’est un peu comme le tracé d’une autoroute en France, le tracé est dévié par les écologistes, les élus et les agriculteurs donc route un peu trop sud-ouest. En plus, on va encore repasser à la station (moteur prévu pour la nuit de dimanche et journée de lundi).3 janvier 2015: folie, pêche et sextant

6 janvier 2015: retour à la réalité

Sous spi, la météo se confirme on devrait théoriquement faire de la voile jusqu’à Santos. Petite victoire ce matin, j’ai enfin trouvé pourquoi le pilote ne marchait pas en mode vent: un câble n’était pas branché au bon instrument...

Cela fait exactement trois semaines que l’on est en mer. Le temps passe à une vitesse folle, les journées se ressemblent toutes un peu et pourtant il n y a jamais d’ennui. Une vie paisible sans stress faite de petites choses simples, j’arrive à comprendre pourquoi certains n’arrivent pas à se ré-acclimater à une vie de terrien sédentaire travaillant après un long voyage...

C’est le seul point négatif de cette dernière semaine, il faut commencer à préparer le retour, billet d’avion, transfert de Santos à Rio....je continuerais volontiers vers Tahiti avec le reste de l’équipage.

7 janvier 2015: on arrive vite... trop vite?

On fonce maintenant sous spi. Avec 13/15 noeuds de vent apparent à 100/120° sous spi (de Leopard 39 !) on est calé entre 7.5/8.5 en permanence avec des surfs régulièrement à 10 nœuds, sans effort. Santos se rapproche à vitesse grand V. Plaisir de voile énorme, frustration de voir l’ETA s’approcher: dilemme insoluble!

8 janvier 2015: à vitesse grand V

Je suis de 3/6. Le vent a continué de monter plein largue. Maintenant, j’ai 20/22 nœuds, un ris et du génois, la mer est forte et je turbine à 10 nœuds avec des surfs à 14! 10 nœuds de moyenne en 3 heures....on va arriver vite. Quand je remonte vers 10 heures après la sieste, c’est encore un autre monde. 30 nœuds au largue, 2 ris, foc partiellement roulé, ce n’est plus des surfs à 14 nœuds, mais 17 !

9 janvier 2015: arrivée au Bresil (Santos)

Je finis mon dernier quart à dix heures. On est passé devant l’île d’Alcatrazes. En apercevant la terre j’ai beaucoup de mal à réaliser que cela fait trois semaine que l’on est parti. Guilherme vient nous retrouver en zodiac pour nous accompagner jusqu’à la marina de Santos Guarujá. Les mauvaises nouvelles tombent, il nous apprend les attentats de Paris: le choc!

La chaleur (38°) et l’humidité 80% sont terribles pour aller faire tous les papiers d’arrivée à l’autre bout du port de commerce. Guilherme a téléchargé de la musique sud-africaine: plein tube en roulant comme un fondu sur des routes pavées...bienvenue sur terre !

Toutes les photos du voyage d'Arnaud sont sur Facebook​ !

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